dimanche 19 février 2012

Un dessin de Jean Boullet dans un recueil de poésies

Un exemplaire d'un petit recueil de poésies de 1953 est orné de ce portrait de jeune homme par Jean Boullet, qui accompagne un envoi : 



On y reconnaît le trait caractéristique de Jean Boullet et surtout les yeux légèrement bridés, le menton carré et les lèvres pulpeuses de tous ses modèles masculins.

Œuvre du poète Michel Beaugency, Feux vifs et flammes mortes pour un astre de nuit rassemble un ensemble de poèmes dans une veine gay, de façon plus allusive que vraiment explicite. Il est orné d'un frontispice dessiné par Jean Boullet, qui illustre un des poèmes :



Musculature

Dévêts-toi de tes muscles
et paraîs nu vraiment,
Dévêts-toi de tes muscles
sous les corps te couvrant
de savantes caresses
et de baisers pressants.

Si mes mains sont légères
comme un fluide parfum,
Si les mains sont légères
comme un oiseau à jeun,
Si les mains sont légères
mais sois nu, Ange Brun.


Autre parrain prestigieux pour ce jeune poète dont il semble que c'est le premier ouvrage publié : Jean Cocteau. Une lettre de soutien se trouve en début d'ouvrage. La typographie tente de reproduire la mise en page assez originale de Jean Cocteau.



Là aussi, en ces années 50 peu propices à l'expression d'une sensibilité gay, Jean Cocteau se montre plus allusif qu'explicite :

Ce qui importe à notre époque plurielle, ce sont les cris écrits singuliers que pousse la jeunesse et qui deviennent poèmes.
Ce qu'on nomme une muse (c'est à dire notre ombre interne) arme à nous faire crier (et avouer).


J'ai sélectionné ces trois poèmes, en respectant, si possible, la mise en forme typographique :


Paroles de caresses

Que dans les ténèbres
toutes les étoiles soient mes yeux qui t'admirent
et que Ton ombre danse
dans la plaine
éclairée par les feux vifs
et les flammes mortes de tous les astres.

Que mon corps soit cet air
et cette eau qui pénètre
et cette eau qui pénètre,
qui s'introduit dans Ta chair
par les moindres pores de cette peau si douce
respirant l'Amour de toutes ses forces.

La nudité de ton corps se dresse,
s'étire du ciel à la terre
Et mes doigts jouent sur ce parfum blanc qui s'élève
comme sur la corde d'une lyre humaine
que je caresse et qui résonne;
ô assonance bien aimée,
pour le frémissement des êtres...

Dernière possession

La corolle diaprée
                            des chairs universelles
se fane,
            pour tendre sur son velours
                                                      le Fruit
Ferme et brillant dont
                                 fière
la fine peau luit
à force de fortes caresses qui ruissellent...
Et l'être frémissant pour livrer son doux corps
au démon de la chair
                                a les ailes brisées
du Bel Ange déchu qui,
                                    les mains épuisées
n'a plus qu'un seul Désir,
                                      c'est posséder sa Mort.

Sommeil égaré

Mon désir est de m'étendre seulement à tes côtés;
Sentir, à la hauteur de mes jambes, tes jambes
                             de ma poitrine, la tienne
                             de mes lèvres, tes lèvres;
Sentir que nos haleines légères se marient,
et puis dormir.
          Dormir et te regarder.
                         Te regarder et fermer les paupières.
                         Te regarder au travers de mes paupières fermées.
Et puis dormir;
Et puis rêver.
         Rêver à la réalité :
         Rêver que tu dors près de moi
                                                       sur mon
                                                            épaule.
                         Te regarder et toi... dormir.
                         Toi t'évader et moi... jouir.

Mise en forme typographique que l'on retrouve jusqu'à la mise en page de la page de titre :



Description de l'ouvrage

Michel Beaugency
Feux vifs et flammes mortes pour un astre éteint.
Paris, Presses du Livre français "Collection Relai", [1953], in-8°, 68-[4] pp., dessin de Jean Boullet au frontispice (en rouge). 



 Tirage 550 exemplaires :
- 50 exemplaires sur Alfa Mousse, numérotés de 1 à 50
- 500 exemplaires sur Alfa Navarre, numérotés de 51 à 550.
Exemplaire n° 35.

Michel Beaugency

J'ai trouvé peu de renseignements sur Michel Beaugency. De son vrai nom Michel Bozon, né le 14 février 1933 à Lyon, il a publié quelques recueils de poésies dans les années 50, puis dans les années 2000. Dans les années 1970, il a collaboré à la revue Arcadie.Il a aussi écrit un livre sur Johnny Hallyday, raconté par Lee Hallyday, en 1964.