dimanche 10 mai 2009

"Les funérailles d'Adonis", Marcel Jouhandeau, 1948

Nouveau texte de Marcel Jouhandeau : une nouvelle pleine de sensibilité sur l'hommage rendu par un homme solitaire à un jeune homme de 20 ans.


Cet homme, le baron de Taillefer, mystérieusement disparu alors qu'il avait 16 ans, revient au château de famille, provoquant la curiosité de tout le village. En 1914, au début de la guerre, il reçoit plusieurs fois un jeune militaire d'à peine 20 ans : "on prêtait volontiers au couple éphémère qu'ils formaient si intime, allègre un moment, de si près menacé, je ne sais quel charme".

Quant ce jeune homme, le narrateur voit : "le rythme léger du pas de l'éphèbe, sa sveltesse, la beauté d'un profil aussitôt perdu, la grâce d'un geste évanoui".

Le jeune home meurt et ses funérailles voient accourir tous les corps constitués et les notabilités locales, en hommage à la notoriété du baron, malgré l'énigme qui entoure cet homme et le décédé. Seul le narrateur voit la vérité : "je ne crus plus du tout assister à une messe, mais dans un pays lointain, à une époque incertaine, au funérailles mêmes d'Adonis". Et le narrateur de remarquer : "Faire servir ainsi tout un monde à l'apothéose de ce qu'il ignore ou réprouve, quel dessein digne du Diable !"

On sent toute la jubilation de Jouhandeau, se délectant du "scandale" des mœurs réprouvés dans ce petit monde confiné de la province et de sa bourgeoisie. Et quel plaisir de penser que tous ces bourgeois se sentent obligés de participer aux funérailles d'un beau jeune homme aimé ! On l'imagine en rire sous cape.

Ce texte a été publié par Jean-Gabriel Daragnès, qui l'a illustré de deux eaux-fortes.




Cette nouvelle a aussi été publiée dans la revue de la NRF de mai 1953. Elle a été reprise dans un recueil de contes :
Contes d'enfer
Paris, Gallimard, [1955], 217 pp.
qui contient 3 contes :
- Ximénès Malinjoude
- Don Juan
- Les funérailles d'Adonis

Adonis, fils de Myrrha et de son propre père, Cinyras, roi de Paphos, à Chypre est célèbre pour sa beauté.

Marcel Jouhandeau a semé son texte d'allusion. Il cite Anacréon, poète grec, qui a vécu au VIe siècle avant J.-C. Tous ses poèmes chantaient le vin et surtout l'amour. Il aussi bien chanté l'amour des femmes que celui des hommes. Théocrite, dans ses épigrammes, le présente comme homosexuel. Hérodote le confirme dans son Enquête et Pausanias en fait de même dans sa Description de Grèce. Ces quelques vers pourraient nous le confirmer :
"Sur tes cuisses charmantes, sur tes cuisses incendiaires
Place un membre délicat qui aspire déjà à l'amour
O garçon au regard de Vierge je suis fou de toi et tu ne me vois pas
Ne sais-tu donc pas que dans ta main c'est mon cœur entier qui frémit ?"



Description de l'ouvrage et de l'exemplaire

Les funérailles d'Adonis
Paris, L'originale, s.d. (1948), in-8° (238r x 184 mm), 29-[7] pp, deux eaux-fortes dans le texte.

La description de l'ouvrage est la suivante :
- 2 feuillets blancs (inclus dans la pagination)
- Faux-titre (p. 5)
- Une gravure sur cuivre à pleine page en frontispice, avec serpente (p. 6)
- Titre (p. 7)
- Page blanche (p. 8)
- Texte, avec une gravure sur cuivre au début du texte (p. 9). Le texte couvre les pages 9 à 29.
- Page blanche (p. 30, non chiffrée)
- Justification du tirage (p. 31, non chiffrée)
- Une page et 2 feuillets blancs (pp. 32 à 36, non chiffrées)



Tirage : 70 exemplaires numérotés :
- 10 exemplaires sur vélin pur fil d'Arches, de 1 à 10, avec suite des gravures sur papier ancien
- 60 exemplaires sur vélin de Rives, de 11 à 70
Quelques exemplaires de collaborateurs, tous signés par l'éditeur.
Cet exemplaire est le n° 18

L'impression est datée du 15 décembre 1948.

La justification porte un dessin, où l'on peut reconnaître les initiales J.G. D, dans un cœur (le cœur fleuri) avec la devise : "Insita Cruce Cor Floret". L'éditeur de cet ouvrage est Jean-Gabriel Daragnès lui-même.

Exemplaire relié par René Desmules :
Demi box noir à bandes, dos lisse, tranche de tête dorée.

René Desmules a exercé de 1941 à 1975. Il était considéré comme l'un des plus habiles relieurs de son temps. Il travailla à façon pour les plus grands décorateurs : Rose Adler, Anthoine-Legrain, Paul Bonet, Creuzevault, Madeleine Gras, Georges Leroux.
"René Desmules was born in 1909 and was apprenticed first to Noulhac and then to Maylander and went on to work for Pierre-Legrain, Gruel and Marot-Rodde. He established his own bindery in 1941 and was a favourite forwarder for designers including Rose Adler, Anthoine-Legrain, Paul Bonet, Bonfils, Creuzevault, Madelaine Gras, Georges Leroux, Thérèse Moncey and Pierre-Lucien Martin. He carried on working until 1975 and died in 1978."

Quelques liens :
Jean-Gabriel Daragnès
Adonis